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Le mot du webmaster Claude Stefanini est l’auteur de ce récit qui retrace fidèlement le voyage qu’il a réalisé en compagnie de sa famille et d’amis au mois de Juin 2005 à Skikda. Il est à la fois émouvant , sincère et objectif. Merci Claude, Jacky Colatrella Nous sommes dix à avoir voulu revoir notre pays, dix de la même famille - ou presque. Je vous les présente : le benjamin, Aldo, né à Angers, fils de Georges, mon oncle ; Aldo voulait connaître la ville de ses racines. Paule, sœur d'Aldo, mariée à Jack, un angevin bon teint curieux de ce pays dont Paule lui parlait si souvent ; Roger Dumant, philippevillois de naissance et son épouse Annie, bretonne d'origine qui elle aussi avait tellement entendu vanter les mérites de Stora , de Jeanne d'Arc et de la place Marqué… Jean-Pierre Thérias, fils de Renée Stefanini, ma tante, et Marie-Claude, (Falcone) une vraie Colliote ; Pierre et Danielle (née Dumant) Stefanini, purs produits locaux et enfin votre serviteur, le doyen - à peine… Nous avions opté pour une traversée : en 62, nous avions vu notre pays s'éloigner petit à petit, s'estomper, disparaître à jamais… Nous avons voulu l'effet inverse, le voir réapparaître, se préciser, redevenir réalité… Nous nous sommes retrouvés à la gare maritime de Marseille, le 9 juin. Le voyage sans problème, agrémenté par quelques réunions dans les cabines pour apprécier une sympathique anisette dont nous n'avions pas manqué de nous munir. Et le matin du 10, nous étions levés bien tôt pour " les " découvrir, ces rivages tant aimés ; tous sur le pont, à scruter l' horizon ; et tout à coup " les voila !! ". Une ligne encore bien floue, mais qui se rapproche rapidement ; penchés sur le bastingage, nous croyons reconnaître les 7 îles, peut être l'oued Bibi, mais est-ce sûr ? Là, c'est certain, les " Pignes " se découpent, avec au fond la Grande Plage, nous arrivons à hauteur de Srigina ; les gorges sont serrées, les yeux humides, mais nous jouons les initiés pour Aldo et Annie qui découvrent tout cela, et nous expliquons, nommons : la Macaque, là, le Ravin des Lions, Miramar et bientôt Stora, Paradis Plage, le Château Vert… Et la ville blanche se précise devant nous, sur les flancs de ce Skikda immuable dont elle a pris le nom… La mairie, l'hospice, l'hôpital, les immeubles de l'avenue de la République… Philippeville telle que toujours, du moins vue de loin! En entrant dans le port, nous cherchons en vain le Sport Nautique et la Marinelle : à leur place, des quais immenses où s'entassent des conteneurs de toutes les couleurs ! Les formalités de débarquement sont un peu abrégées car " Zozo ", le représentant de l'agence est venu nous chercher et nous voila montant vers l'hôtel, place des Zouaves, là où s'érigeait la caserne de France ; nous n'avons pas assez d'yeux pour tout reconnaître : notre place Marqué, l' Excelsior, l'Hôtel de Ville, les arcades, le théâtre et le tribunal… zut, j'ai loupé la Rue des Arbres ! La Rue Gambetta et Maupas tout en haut, et cette place où notre Eglise Saint Cœur de Marie dressait fièrement son clocher majestueux… Là en face, les escaliers du Lycée, enfin l'avenue du 3e Zouaves par laquelle nous arrivons à l'hôtel " Es Salem " si haut perché. Le séjour : Les premières impressions sont favorables : quand on apprend que nous sommes natifs du pays, on nous accueille par un " bienvenue chez VOUS " que je crois sincère (mais que risque t-on à dire que nous sommes chez nous, alors que l'on sait très bien que nous n'y sommes plus ?) Toujours est-il que ça fait plaisir ! Et ça donne confiance… Dans les rues, on nous souhaite simplement la bienvenue et là aussi, c'est sympathique et encourageant.. Bien entendu, nous avons passé beaucoup de temps à retrouver les lieux de notre enfance. Par la Rue Gambetta, où le hall de " l'Empire " sert de dépotoir, la place V.Hugo, la Rue Kléber et la rue du Ravin, nous arrivons Rue de Paris, où j'habitais ; qu'elle me semble étroite, cette rue ; ma mémoire la faisait beaucoup plus large! Une énorme surprise m'y attend : la maison de mes grands-parents, au n°3, se trouve surmontée… d'un immeuble de 3 étages, laid et énorme qui occupe aussi le délicieux petit jardin que ma grand-mère soignait avec amour. Mon frère Pierre, Paule et moi, en le découvrant, ne pouvons nous empêcher de pousser un cri d'horreur !!… Plus loin, je retrouve ma maison ; hélas, impossible d'y accéder, les nouveaux propriétaires sont absents ; je peux quand même me rendre compte que le jardin est assez bien entretenu. Le mur de chez Mineur, en face, est surélevé de 3m : on ne peut plus voir la villa. Au balcon de chez Chanaron, des gens nous interpellent gentiment. L'épicerie d'Anarelle et Finotte, ainsi que celle d'Iborra, dans la rue du Ravin ont leur store baissé ; sont -elles encore des épiceries ? Le jardin d' Agius, le boucher, n'existe plus : à sa place, des constructions. Paule a la chance d'être conviée à visiter son appartement : peu de choses ont changé et ma cousine se croit revenue 50 ans en arrière ! Elle sera reçue par Sakina, une voisine. Rue des Jardins, nous reconnaissons les immeubles de Varo, Yacono, Vitiello, Vitale ; beaucoup de monde aux balcons! Rue Tissot, mon cousin Jean-Pierre peut visiter la maison de ses grands-parents Thérias ; je l'accompagne pour prendre quelques photos ; là encore, peu de changements ; Jean-Pierre retrouve la lumineuse terrasse qui domine la ville, la " coursive ", le puits, le jardin ; il ne dit rien, mais je le sais ému. Nous voici maintenant Rue Marengo, en face de l'entrée de F.Buisson ; Je retrouve le petit magasin de Vergani, qui n'est plus une papeterie ; dans la rue Marengo : les maisons D'Ambra, Palomba ; la boulangerie Filliatre n'existe plus, l' immeuble a été rasé. Nous passons dans la rue Hippocrate d'où surgissent les fantômes de mon passé : c'est dans cette rue que résidaient Jeannine, mon premier Amour et Jacques, mon bon et cher Jacques, mon ami, mon frère trop tôt enlevé à notre affection ! Gravissons les escaliers de la crèche et regagnons, par la rue Kleber et la Place V. Hugo, le marché couvert et la rues Valée où Danielle et Roger retrouvent le magasin de leur père, et la rue Antoine Bruno ; là, Danielle monte revoir son ancien appartement : elle redescend bouleversée et les yeux rougis. Le jour suivant : Pèlerinage au cimetière ; nous sommes accompagnés par Guettaf Souna, Salim et le " petit " Chibouni, un ancien de mon quartier qui ne nous lâche pas d'une semelle… L'accès au cimetière n'a pas changé ; à l'intérieur, des employés nous accueillent et mettent à notre disposition les registres qui ne sont pas en très bon état ; ils sont disloqués, des pages sont détachées, aucun ordre chronologique, mais ils ont le mérite d'être là et nous pouvons les compulser, ce qui va permettre à Roger et Danielle de retrouver la sépulture de leur famille. Je me recueille devant le caveau où reposent mon grand-père et ma tante Ninette ; la plaque obstruant le caveau de ma tante est tombée, victime du temps, et on peut voir le cercueil, intact ! Moment pénible s 'il en est, mais Salim nous promet de faire le nécessaire pour tout remettre en état. Ca nous console un peu ; je photographie la page du 20 août 1955, où sont inscrites les victimes des atrocités d' El Halia. Il faudrait faire quelque chose pour sauvegarder ce patrimoine unique, mais quoi ? D'une manière générale, et pour ce que j'en ai vu, le cimetière ne semble pas avoir été profané ; bien sûr, des plaques sont brisées et les cercueils apparents, mais je crois que cela est dû aux injures du temps. Par contre, c'est une véritable jungle et il est impossible de circuler entre les tombes, particulièrement celles du centre ; pour pouvoir découvrir celle qu'ils cherchaient, Roger et Danielle ont fait appel aux gardiens qui ont dû effectuer un véritable travail de défrichage ! Toujours en compagnie de Souna, nous empruntons les allées Barrot pour nous rendre au stade Municipal, rebaptisé Stade du 20 août. On ne reconnaît plus les Allées : de part et d'autre s'élèvent des immeubles bardés de paraboles ; plus de terrains vagues, plus d'arbres ; c'est une immense ville que nous ne connaissions pas… Nous jetons un œil sur le Zeramna : c'est une énorme décharge malodorante où un mince filet d'eau noire et nauséabonde se fraie difficilement un chemin parmi les détritus de toutes sortes ! Il vaut mieux oublier cela, et entrer dans ce stade qui a été le théâtre des exploits des Rouge et Noir étoilés, des bleu et rouge bomatchicabos du Racing ; quels changement ! Une nouvelle tribune fait face à l' ancienne, des gradins et une piste d'athlétisme synthétique entourent l'aire de jeu qui est engazonnée : un gazon pelé sans doute, mais gazon quand même ! Avec Souna qui s'est procuré un ballon, mon frère et mon cousin Jack, nous échangeons quelques balles comme au bon vieux temps… Puis nous montons dans la tribune principale et je m'assois à la place exacte que j'occupais le jour de cette fameuse finale départementale Etoile-Racing et où nous, l' " Etoile ", l'avions emporté 3 à 2 ; j'entends encore les hurlements de la foule, je suis revenu 50 ans en arrière !! Nous remontons vers la ville et nous arrêtons dans une gargote enfumée pour déguster quelques bonnes brochettes à l'ancienne - foie, cœur et gras de mouton - arrosées, hélas, par une classique gazouze qui, malgré nos efforts d' imagination, ne remplace pas un bon rosé bien frais… Nous irons une autre fois, pilotés par Reda, le fils de mon amie Farida, savourer d'autres brochettes dans un réduit rue Amiral Courbet, juste en face de l'ancien café du célèbre Patchi - rappelez - vous "… le goal qui cueillait la balle comme un melon sur le melonnier… " Un autre jour, cette fois guidés par Ayadi, le président de l'Office local de tourisme, nous avons droit dans un autre établissement de la rue Valée, à des créponnets que l'on déguste religieusement, nous projetant dans le temps, chez Fidanza, confortablement installés à la terrasse par un doux soir d'été… En sortant, malgré l'heure un peu tardive, nous descendons vers la Place et entamons quelques aller- retour, histoire de ….. Nous réservons une grande place dans notre emploi du temps à la visite des établissements scolaires qui ont été les témoins de nos premiers pas, de nos premiers pleurs, de nos premières récompenses… L'école des sœurs, en bas des escaliers de l'hôpital, n'est plus une école ; c'est un bâtiment administratif où sont entreposées des archives ; le plafond de la Chapelle a été préservé et on peut y admirer encore la magnifique peinture qui l'ornait… L'école Ferdinand Buisson est bien entretenue ; nous y entrons par la rue du 3e Bataillon, avec un petit pincement au cœur ; c'est dans cet établissement que j'ai fait mes premières armes, dans la classe de Mme Monéglia, une maîtresse dont je garde un excellent souvenir. Plus tard, sous la direction musclée de M.Gressard, ils sont nombreux ceux qui ont marqué ma scolarité : MM.Rispoll, Maestracci, Schwindenhammer, Missud, Deleuze, Mme Lamorthe… Paule a consacré un bon moment à la visite de son école, l'école Victor Hugo, qu'elle a retrouvée avec émotion ; elle a pu écrire au même tableau, s'asseoir à la même place, monter et descendre les escaliers, arpenter les corridors… Nous n'avons pas pu entrer au collège Maupas, les locaux étant occupés par les candidats au bac; mais lui aussi semble bien entretenu. L'école des Frères, au Fort, a perdu sa vocation ; c'est un immeuble à usage d'habitation. Nous ne faisons que passer devant l'école du Faubourg, que personne d'entre nous n'a fréquentée. La cour et la façade sont dans un très bon état. Je garde pour la bonne bouche le Lycée Luciani, sur les marches duquel je me fais photographier par Jean-Pierre à l'endroit exact où, 53 ans plus tôt nous attendions, anxieux, les résultats du bac… Je me présente à l'intendant à qui je fais part de ma qualité d'ancien : il ne sait plus quoi faire pour me faire plaisir, m'emmène partout, de l'amphi aux dortoirs, de la cantine à la salle des profs, dans les classes bien entendu. Je peux ainsi constater que peu de choses ont changé : par exemple, dans la salle où sont rangés les accessoires de sciences, tout est à la même place : le squelette que nous avions affublé de je ne sais plus quel sobriquet monte toujours la garde devant des vitrines intactes dont je me demande même si elles ont été ouvertes depuis notre départ… Et tout est impeccable, propre et soigné ! Nos rencontres : Nous avons rencontré beaucoup d'amis et connaissances restés la- bas : Le matin même de notre arrivée à l'hôtel, nous venions juste de déposer nos bagages que trois gaillards se précipitaient vers nous : trois de mes anciens élèves d' Auribeau, !! Surprise, émotion et quelle joie ! J'ai de la peine à les reconnaître, mais au bout d'un instant, ça y est, leur visage d'enfant me revient en mémoire, et les souvenirs affluent " vous vous rappelez, Monsieur, du tournoi de hand à Saint Antoine ? " " et l'expérience de sciences sur la dilatation des métaux… ? " " et la fois où l'appareil de cinéma ne marchait pas… ? " et, et … Aïssa promet de revenir me chercher… Et le soir de notre arrivée, je rejoignais le groupe dans le salon de l'hôtel ; il y avait là, de dos, un petit bonhomme que mon frère me désigna " tu ne le reconnais pas … ? " Hésitation…C'était Guettaf Souna, un ancien joueur de l' Etoile, et quel joueur, un artiste !! Un ami aussi. Comment a t-il su que nous étions là ? Le téléphone arabe sûrement ! Nous nous étreignons chaleureusement… Moussa était un ancien employé dans notre entreprise de transports, convoyeur de mon oncle Georges avec qui il effectuait tous les longs déplacements. Avec moi, il avait participé au concours de pêche du Sport Nautique, à bord du " Flic " ; il m'avait aidé à récupérer ma 403 " empruntée " par le FLN… Je n'avais plus de ses nouvelles depuis des années et ignorait ce qu'il était devenu, était-il même encore vivant ?… La porte d'un garage situé sous l'appartement qu'il occupait rue des Jardins, où nous nous trouvions justement, était entr'ouverte, je risquai un œil à l'intérieur : deux messieurs étaient là, devisant ; à ma vue leur regard devint interrogateur… " Bonjour, est- ce que vous connaissez un certain Oualdji Moussa, ? il habitait autrefois dans cette maison. - Moussa ?, mais c'est moi !!… " …Je vous laisse imaginer la suite… Farida, elle, est une amie de très longue date ; elle habitait l'appartement au dessous du mien et nous entretenions avec ses parents, Mouloud et Fatih, de très cordiales relations. Je suis toujours en contact avec elle, nous nous téléphonons souvent et je lui avais annoncé notre visite ; il n'y a donc pas eu là de surprise. Nous sommes tous allés la saluer un après-midi dans son appartement qui domine le Beni-Melek, le port et la rade. Nous lui avons offert quelques menus présents et elle nous a conviés à déjeuner. Et que nous avait-elle préparé ? Vous avez deviné bien sûr : un plantureux couscous !! Un vrai, à la graine fine et légère, aux légumes et au mouton savoureux et fondants ; un régal ! Mon frère Pierre, mon cousin Jean-Pierre, qui ont sensiblement le même âge que Farida et qui ont plus souvent que moi partagé ses jeux ont évoqué - à voix basse - quelques bons souvenirs… Cette réception restera un moment fort de notre voyage. Nous avons été reçus également par une Association " Les Amis de Skikda " dont les membres nés pour la plupart avant l'indépendance se disent philippevillois ; d'ailleurs, dans le hall de leur local, rue Passérieu, dans les locaux occupés autrefois par le marchand de vin Abadie, est affichée une grande photo, non de Skikda, mais de Philippeville en 1930 ! Pour notre réception, une longue table avait été dressée, garnie de pâtisseries et de jus de fruits variés, décorée, délicate attention, de fleurs bleues, blanches, rouges. Nous avons avec eux évoqué un passé qu'ils partagent avec nous et dont ils s'enorgueillissent… Il y avait là des représentants de familles très connues à Philippeville : Ayadi ( un des frères était greffier au tribunal), Balaska un important primeuriste, Benkaza, Damès, Larroua… Nous avons bavardé longtemps et j'ai cru décerner, dans les propos de certains, beaucoup de regrets… Nous ne connaissions pas Salim Bennazouz ; c'est mon cousin Jean-Pierre qui nous l'a présenté ; Salim est ingénieur et maintenant " supervisor " pour tout l'est algérien, d'un organisme qui va s'occuper des cimetières. C'est un garçon charmant, cultivé et raffiné. Il nous a été sur place d'un grand secours, nous accompagnant dans nos déplacements, nous conduisant avec sa voiture. Sa fille Mériem venait de subir les épreuves du bac et j'ai eu le plaisir de bavarder longuement avec elle ; c'est une jeune fille moderne, d'une grande ouverture d'esprit, très agréable et, ce qui ne gâte rien, très mignonne.( Par la suite, Salim m'a informé que Mériem avait réussi à son examen avec plus de 14 de moyenne !) Leila Brouri était une copine de ma cousine Paule ; elle habite sur la route de Valée et nous avons pu nous procurer son adresse. En nous rendant à la carrière de marbre, nous avons fait une halte devant chez elle et Paule a pu lui faire la surprise. Nous avons aussi, au hasard de nos promenades en ville fait des rencontres inattendues : au carrefour rue Pasteur, escaliers de la gendarmerie : Jamila, avec qui nous avons bavardé longuement ; cette ancienne du quartier se souvenait de nous et de notre famille et elle nous a rappelé nombre d'anecdotes, tenant notre auditoire en haleine, en plein milieu de la rue… ! Rue Hippocrate, c'est avec une autre résidente du quartier, Meriem Younès, qui reconnaît Paule, que nous bavardons. Sous les arcades, en face des Magasins du Globe, Amar, le plus jeune des frères Guettaf, nous interpelle ; il a joué au sporting avec Georges. Place Victor Hugo, c'est l'épouse de Guettaf Ali, l'aîné de la tribu, qui vient se mêler au groupe et nous donne des nouvelles… Dans la rue de Paris, le petit Chibouni, lui aussi intrigué par notre équipe dont il devine l'origine, s'approche et interroge ; on le renseigne : il reste interloqué " Stefanini, en chair et en os ! Stefanini ! c'est pas possible ! ça alors, ça alors !! " ( je vous jure que je n'exagère pas). A partir de ce moment, Chibouni ne nous lâchera plus d'une semelle et nous sera d'un grand secours puisqu'il arrivera à dénicher et à amener à l'hôtel des condisciples que Roger avait à l'école des Frères… Nos sorties Aïssa me l'avait promis, il a tenu parole et est venu me chercher avec son cousin. Pierre m'accompagne. Direction Auribeau, où nous sommes attendus. Je retrouve avec émotion la campagne algérienne, fidèle à son image : ciel lumineusement bleu traversé par ces cigognes dont j'avais presque oublié l'existence, champs déjà écrasés de soleil, gourbis entourés de figuiers de barbarie. Nous ne passons plus par Bissy, la route est plus directe ; de même nous évitons Jemmapes devenue une cité universitaire de 30000 habitants et 3000 étudiants !! Nous sommes attendus à Auribeau par mes anciens élèves qui nous réservent un accueil chaleureux. Nous poursuivons sur Bône ; à Aïn Kercha, Aïssa me fait rencontrer un autre de mes élèves, Chaoui Abdallah, qui n'avait pu venir à Auribeau : émouvantes retrouvailles. Arrivés à Bône, nous dégustons, Cours Bertagna, une excellente glace artisanale. Au retour, arrêt à Jemmapes, maintenant Azzaba ; la ville est propre, bien entretenue ; l'Eglise, intacte, n'est plus surmontée d'un clocher, mais d'un minaret… Mais elle, au moins, n'a pas été détruite… Ce matin là, le minibus que nous avions à notre disposition nous attend devant l'hôtel : direction : Jeanne d'Arc, où nous allons passer la journée ; le début du trajet est normal : l'avenue Blanchet et ses palmiers, la gare, le silo et le parc à moutons, la plage des chèvres, le Château d'If devenu un établissement hôtelier, le tunnel… là se finit le trajet classique ; on n'emprunte plus le pont du Saf Saf !: Le bord de mer , on va le contourner par l'intérieur et nous regagnerons le littoral presque à hauteur de la piscine ; celle-ci, bardée d'échafaudages, est en pleine réfection ; plus loin, les magnifiques villas résidentielles, dont la fameuse Kouba, bien entretenues, doivent héberger encore, les mois d'été, quelques privilégiés du régime… Le Camp Péhaut est devenu un immense quartier retranché à l'abri des hauts murs qui le ceinturent ; le bateau coulé a disparu depuis peu, vaincu par le temps et …les ferrailleurs. Nous sommes accueillis à l'annexe de l'hôtel, où nous déjeunerons, par un sympathique gérant qui nous vante - à nous !! - les mérites de Jeanne d'Arc, son sable fin, son eau limpide, ses douces soirées, ses tempêtes imprévues… On le laisse parler, et quand on lui dit qui nous sommes, il sourit, un peu gêné… Puis nous retrouvons avec délices cette mer si chère, ce sable particulier dont nous emplissons des récipients divers… et variés. Pendant que nous nous dorons au soleil, un petit marchand ambulant nous propose ses beignets et nous ne savons pas résister : on aurait bien sûr préféré une bonne pitse, mais bon !! Pendant ce temps, Roger s'est éloigné : il ramasse détritus et verres brisés qu'il met dans un sac plastique : il veut donner l'exemple !! Mais le suivra t-on ? J'en doute fort… A midi, confortablement installés sur la terrasse, nous déjeunons agréablement, face à " notre " Méditerranée : on se croit revenu au bon vieux temps, les souvenirs nous assaillent, les anecdotes affluent, la tchatche va bon train pendant que la mer, avec la brise du large qui commence à rentrer, change de teinte, devient émeraude puis carrément violette, comme autrefois… Cette mer qui est tellement pareille à celle que nous avons connue, qu'on peut se dire : " finalement nous avons retrouvé notre pays… ". Cet après midi, c'est à Stora que nous projetons d' aller ; le minibus n'étant pas disponible, Salim commande un taxi et se met, avec son propre véhicule, à notre disposition : par le Front de Mer, nous regagnons la corniche : plage des chevaux, Château Vert bien entretenu - mais à sa suite le Casino a disparu - , Marquette, le tunnel, le Pont Romain, Paradis Plage et enfin Stora qui a bien changé et est devenu un port de pêche assez important ; avant d'entrer dans le village, à hauteur du Saint- George, une jetée a été construite, perpendiculaire au rivage : des petites unités y ont leurs anneaux ; devant les établissements Scotto, la plage a laissé la place à un large quai sur lequel on pratique la réparation navale et où sont amarrés les gros chalutiers ; perpendiculaires à la jetée, des pontons accueillent des petites embarcations de plaisance, en somme, le nouveau Sport Nautique. Pour aller sur la place de la Voûte Romaine, il faut passer par le quai… On le fera au retour. Après une courte promenade sur la jetée, où de jeunes pêcheurs coiffés du chapeau de paille taquinent encore la doblade et la baveuse, direction la corniche ; la plage Mollo nous semble bien moins large qu'autrefois : réalité ou trou de mémoire ?? Juste avant la phare, des tables ont été installées sur le chemin, protégées par des canisses ; nous nous y arrêterons au retour, invités par Salim ; après la porte creusée à même le roc, le sentier étroit, restauré de place en place, nous conduit à ce qui fut Miramar, et qui est maintenant un champ de ruines et de détritus, puis au Ravin des Lions où subsistent encore les restes de la villa Manière ; je montre au passage, en contrebas, la minuscule plage où Danielle et moi, au temps de nos " fiançailles " venions nous isoler, à l'abri des regards indiscrets… Au retour, en attendant le taxi que Salim a commandé pour nous, ma cousine Paule et moi achetons du nougat blanc, " spécialité de Skikda, " nous précise le marchand, puis nous nous arrêtons à la Voûte Romaine que Paule visite avec émotion, car l'établissement était la propriété de son parrain, Michel Torrente ; rien n'a changé, la terrasse, la salle de restaurant, la cuisine, toujours la même disposition… un employé qui s'approche nous apprend qu'il était déjà là en 60, comme plongeur ; il a fait son chemin puisqu'il est maintenant maître d' hôtel… Et le cuisinier qui est venu se mêler à la conversation nous précise que l'établissement essaie de perpétuer les traditions d'accueil et de qualité d'autrefois…Comme quoi…!! Le minibus va nous conduire aujourd'hui à la carrière de marbre ; en passant aux Platanes, nous nous arrêterons pour accueillir le maire de FilFila qui nous servira de guide… Et de passeport pour la visite. Nous empruntons cette fois la route de Valée, ce qui nous permet de nous arrêter chez Leila Brouri, l'amie de Paule, ravie et surprise de la visite ; et de passer devant un stade encore en construction, qui aurait dû être un stade… Olympique ; mais comme on vient de s'apercevoir que les Jeux à Valée, ce n'est pas pour demain, les travaux sont interrompus ! Le stade sert quelquefois à l'équipe de foot de Skikda (la JSMS) qui pratique à un niveau assez bas, ce qui désole Souna… Nous repassons devant la piscine, un peu plus loin, 2 gros cargos sont échoués, presque côte à côte : on nous parle d'une vague histoire de contrebande et de perte de cap, peut-être même de mutinerie… Va savoir !! Toujours est-il que notre célèbre bateau coulé s'est trouvé des remplaçants, mais je parie qu'ils ne vivront pas aussi longtemps que lui… Nous voici aux Platanes, que personne ne reconnaît… Ce n'est pas étonnant, à leur place, une ville de… 30000habitants, la ville nouvelle de Filfila, dont le maire va justement nous servir de guide. Nous l'emmenons avec nous ; l'ascension est dure et pour donner un deuxième souffle au minibus qui n'est plus de première jeunesse, nous nous arrêtons un instant… juste en face de ce qui reste de la mine d'El Halia. Moment Pénible, Emouvant. Gorges serrées, regards rougis, esprit revenu 50 ans en arrière, nous revivons sans mot dire ces atroces journées, revoyant ces pauvres corps mutilés. Chacun se recueille en silence. On vit un moment d'intense communion… Mais Zozo nous réclame, il faut redescendre sur terre et continuer la route ; pendant un instant le silence règne, mais les discussions reprennent malgré tout… Court arrêt à l'école de FilFila, blottie sous de fraîches frondaisons, une des plus anciennes de la région où, nous renseigne fièrement l'instituteur du coin, un actuel ministre - je ne sais pas lequel - a fait ses études primaires… Et nous voici arrivés à la carrière, toujours en activité, exploitée conjointement par l'état et des sociétés privées, dont une canadienne et qui exporte dans le monde entier. Nous nous approchons du bord de la montagne pour admirer encore ce paysage sublime qui se déroule la-bas, du Guerbes à la Marsa et au Cap de Fer légèrement embrumé ; j'espère que, si un jour, un programme de développement du tourisme était envisagé, on saurait préserver ces merveilles… Au retour, le maire de FilFila nous fait les honneurs de sa mairie flambant neuf, un magnifique établissement dont le matériau principal est… le marbre ! Certains d'entre nous ont fait aussi des escapades '' isolées'' : Paule et Jack sont allés à Saint - Charles pour rapporter à Henri, l'oncle de Paule, des photos de la gendarmerie où il a passé plusieurs années : ils reviendront bredouilles, n'ayant pas été autorisés à photographier ces bâtiments dont l'importance stratégique n'échappe évidemment à personne… Marie-Claude a passé quelques jours à Collo. M.Falcone, son papa a été pendant de longues années le maire éclairé de ce charmant petit port ; elle y a reçu un accueil chaleureux. Jean-Pierre et elle ont poussé jusqu'à Constantine où ils ont retrouvé des lieux chers à leur cœur ; ils ont aussi été reçus à Jeanne d'Arc par leur cousine, mariée à un algérien. Voila, je crois avoir fait le tour de tout ce que nous avons vu. Il faut maintenant tirer quelques conclusions de ce pèlerinage qui a été pour nous tous très positif ; nous avons trouvé ce que nous étions venus chercher : une rue étroite, un modeste escalier, une simple maison, une école… Nous savions bien que tout ne serait plus " comme avant " aussi n'avons nous pas été déçus ; l'ambiance, les parfums, le ciel, la mer d' Algérie sont immuables et nous les avons retrouvés ; ajoutons à cela les nombreux amis qui nous ont reçus chaleureusement… Il faut cependant mettre un bémol à ce tableau : Philippeville est très sale !! Dès qu'on quitte la rue Nationale, la place Marqué, l'avenue de la République, qui sont entretenues, pour aller dans les rues parallèles, on est agressé par les amas d'immondices, les tas de gravats qui obstruent parfois les rues… La plupart des immeubles sont délabrés, fissurés, certains menacent ruine, il en est même qui ont été démolis : rues Passérieu, Marengo, du 3e Bataillon… des faisceaux de fils électriques traversent les rues d'une maison à une autre ou dégringolent le long des façades. Un spectacle qui choque au début, mais on s'y habitue vite, hélas !! Claude Stéfanini
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